L’IA n’est plus un simple fantasme technologique : elle s’installe progressivement dans le quotidien des professionnels de santé, y compris dans les établissements scolaires. Les INFENES sont en première ligne pour accompagner les élèves, gérer les urgences, organiser des actions de prévention ou encore rédiger des comptes-rendus. Dans ce contexte, l’IA représente pour certains un atout, à condition de l’utiliser avec discernement et en respectant les règles déontologiques qui encadrent la profession.
Une enquête récente menée par le CNOI en mai 2025 révèle que près de 30 % des infirmiers déclarent déjà utiliser des outils d’IA dans leur pratique quotidienne, principalement pour des tâches administratives. Pourtant, 70 % estiment que leurs connaissances sur le sujet restent faibles ou très faibles, et une écrasante majorité (92 %) souligne un manque de formation. Quelles précautions à prendre pour utiliser l’IA à l’infirmerie ? Quelle recommandations pour exercer avec rigueur et éthique en utilisant ces nouveaux outils ?
Des usages concrets pour l’infirmière scolaire
L’IA n’est pas une révolution en soi, mais plutôt un outil complémentaire qui peut aider à optimiser certaines tâches. À l’infirmerie, son utilisation reste encore marginale. Mais certaines infirmières témoignent déjà de leurs pratiques, et plusieurs applications se dessinent.
La rédaction de rapports et d’évaluations est l’un des domaines où l’IA générative de texte peut s’avérer utile. Par exemple, après une réunion, un outil d’IA peut aider à structurer un compte-rendu ou à synthétiser des informations. Cela permet de gagner du temps, surtout lorsque la charge administrative est lourde. Cependant, il est impératif de relire attentivement les textes générés : les IA peuvent parfois produire des informations erronées, appelées « hallucinations », ou des formulations ambiguës. Une relecture critique et une vérification des données sont donc indispensables avant toute validation.
Par ailleurs, confier la rédaction du compte-rendu d’un entretien avec un élève ou un parent à une intelligence artificielle soulève des questions éthiques et juridiques majeures. Les informations saisies dans ces outils, souvent sensibles et couvertes par le secret professionnel, ne bénéficient pas toujours des garanties de confidentialité nécessaires. Le risque de fuite ou de détournement de ces données est réel, et les conséquences pourraient être graves. Dans ce contexte, la prudence s’impose : mieux vaut privilégier des méthodes traditionnelles, sécurisées et maîtrisées, pour garantir la protection des informations partagées à l’infirmerie.
« Lorsqu’il a recours à des procédés informatiques, [l’infirmier] prend toutes les mesures de son ressort afin d’assurer la protection de ces données. »
Article R4312-35 du CSP
Bien qu’encore limitée dans les faits, l’aide au diagnostic pourrait se développer dans les années à venir. Certains outils permettent d’analyser des symptômes ou d’orienter vers une prise en charge adaptée, par exemple en détectant des signes de détresse psychologique chez un élève. Ces systèmes ne remplacent en aucun cas l’expertise d’un professionnel de santé, mais il semble que des expérimentations aillent dans le sens d’un soutien à la décision, notamment pour ceux qui exercent de manière isolée, sans équipe à disposition. Là encore, la prudence s’impose : l’IA ne doit jamais se substituer au jugement clinique et au diagnostic infirmier.
La conception d’actions de prévention et de promotion de la santé est un autre champ d’application envisagé. L’IA peut, par exemple, aider à créer des supports pédagogiques personnalisés, comme des affiches sur la nutrition, des quiz interactifs sur la santé mentale, ou des ateliers sur la prévention des addictions. Ces outils permettent d’adapter les messages aux différents publics scolaires. Ils peuvent aider à élaborer les différentes étapes de la démarche du projet, en particulier les modalités d’évaluation de l’action. Toutefois, il est indispensable de vérifier les informations générées car elles sont parfois peu fiables.
Il est important aussi de veiller à adapter les textes produits à notre contexte culturel. Les bases de données des IA sont souvent influencées par des normes et formulations nord-américaines, qui ne correspondent pas toujours à nos réalités françaises. Une vigilance particulière est donc nécessaire pour éviter de diffuser des contenus inadaptés ou totalement faux.
Les recommandations de l’Ordre : un cadre pour une utilisation responsable
Face à l’essor de l’IA, le CNOI a publié en septembre 2025 cinq recommandations préliminaires pour encadrer son utilisation. Ces principes généraux pour toutes les IDE, s’appliquent complètement à l’exercice en milieu scolaire.
La protection des données personnelles est un enjeu majeur. À l’infirmerie, des informations sensibles sur les élèves sont manipulées : antécédents médicaux, suivis psychologiques, ou encore données liées à des situations familiales complexes. Lors de l’utilisation d’un outil d’IA, il est essentiel de s’assurer que ces données ne sont pas partagées sur des plateformes.
L’information et la transparence envers les élèves et leurs familles sont tout aussi importantes. Si un outil d’IA est utilisé pour analyser des questionnaires ou préparer un bilan, il est nécessaire d’en informer les concernés et d’obtenir leur consentement éclairé. Cette démarche s’inscrit dans le respect de l’article R4312-14 du CSP, qui rappelle que le consentement de la personne soignée est une obligation déontologique. Expliquer simplement à quoi sert l’outil et comment les données seront utilisées permet de maintenir un climat de confiance.
La fiabilité des informations est un autre point critique. Les IA génératives peuvent produire des contenus qui semblent plausibles, mais qui sont en réalité inexacts ou obsolètes. Avant d’utiliser une information issue d’une IA, il est indispensable de croiser les sources avec des références officielles, comme les recommandations de la HAS ou de SPF. Cette vérification est d’autant plus importante lorsque l’on prépare des supports pour des actions auprès d’élèves ou d’étudiants.
Le maintien de la relation humaine doit rester au cœur de la pratique infirmière. L’IA peut aider à gagner du temps ou à mieux organiser la charge de travail, mais elle ne doit jamais déshumaniser la relation de soin. Un élève qui vient à l’infirmerie a besoin d’être écouté, compris et rassuré. Les outils technologiques ne doivent pas remplacer cette dimension essentielle du métier. Ils doivent permettre au contraire de recentrer l’action infirmière sur l’accompagnement individuel et la qualité des échanges.
La formation à l’IA apparaît comme une nécessité. Les résultats de l’enquête du CNOI sont sans appel : une écrasante majorité d’infirmiers souhaitent être formés à ces outils. Pour les infirmières scolaires, cela pourrait passer par des modules de FTLV spécifiques sur l’utilisation des IA dans un cadre éducatif, la protection des données, ou encore l’adaptation des contenus générés aux publics jeunes. Des formations proposées par les EAFC se développent se plus en plus. Une meilleure maîtrise de ces outils permettrait d’en tirer le meilleur parti, tout en limitant les risques.
La lutte contre la désinformation est un combat qui ne date pas d’hier. Mais la viralité des contenus, et les fausses informations qui circulent, sont l’enjeu qui touche aussi la santé. De plus en plus d’élèves consultent sur les réseaux sociaux, et parfois relayent des idées reçues, des rumeurs infondées ou des conseils de santé douteux. À propos des vaccins, des régimes alimentaires, ou encore sur leur santé mentale, les informations erronées circulent à une vitesse alarmante, et leur impact peut être dévastateur, surtout chez des jeunes en pleine construction de leurs repères. Si elle est mal utilisée, l’IA peut aggraver le problème en générant facilement et en amplifiant des contenus faux. À l’inverse, elle peut aussi devenir un allié pour décrypter ces informations avec les élèves, à condition de leur apprendre à croiser les sources, à identifier les biais, et à distinguer le fiable du fantaisiste. C’est une mission de plus pour la communauté éducative : former des esprits critiques, capables de naviguer dans un monde où l’information, vraie ou fausse, est omniprésente.
L’intelligence artificielle n’est ni une menace en soi, ni une solution miracle : c’est un outil qui, utilisé à bon escient, peut aider à améliorer la pratique quotidienne à l’infirmerie. Que ce soit pour rédiger des rapports, concevoir des actions de prévention ou soutenir la réflexion clinique, l’IA pourrait offrir des perspectives intéressantes. Son utilisation doit toujours s’inscrire dans un cadre éthique, sécurisé et centré sur les besoins des élèves.
Abréviations utilisées dans cet article
CNOI : conseil national de l’ordre infirmier
CSP : code de santé publique
EAFC : école académique de formations continue
FTLV : formation tout au long de la vie
HAS : haute autorité de santé
IA : intelligence artificielle
IDE : infirmière diplômée d’état
INFENES : infirmière de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur
ONI : ordre national des infirmiers
SPF : santé publique France
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