Catégories
missions société

Une lutte pour le droit à disposer de son corps

La Journée mondiale du droit à l’avortement est célébrée le 28 septembre. Elle rappelle les combats menés pour l’accès à l’IVG.
L’histoire de La Réunion des années 1960-1970 rappelle que le droit à disposer de son corps n’est pas une évidence universelle. Il est le fruit d’une lutte constante.

Les avortements forcés à La Réunion des années 1960-1970

La Réunion connaît un fort taux de natalité et une grande précarité, particulièrement dans les milieux ruraux et les classes populaires.

Une des idées reçue, nourrie par certains, est que la surpopulation réunionnaise est un frein à son développement économique. Des pratiques médicales eugénistes et coercitives vont se développer à la fin des années 60.

Des femmes enceintes, souvent jeunes, mères de plusieurs enfants et issues de milieux défavorisés, se rendent à la clinique pour une consultation. Elles subissent une IVG, assortie très souvent d’une ligature des trompes, sans leur consentement éclairé. On leur fait croire qu’elles subissent une appendicectomie ou un autre acte chirurgical. Pour les médecins et le personnel soignant impliqués, l’objectif est de contrôler la natalité de l’île.

La situation perdure jusqu’à ce que le docteur Pierre Lagourgue, découvre le pot aux roses et dénonce les pratiques de ses confrères. En 1970, le journal « Le Nouvel Observateur » publie un article retentissant et fait la lumière sur l’affaire. C’est le début d’un long et difficile combat.

Un procès s’ouvre en 1971, plusieurs médecins et un infirmier sont condamnés pour « manœuvres abortives » à des peines de prison. La justice se déclare incompétente pour juger les faits de stérilisation forcée. Deux maris obtiennent des dommages et intérêts pour la « perte de fœtus.


Sophie Adriansen a écrit un roman graphique (BD), paru en octobre 2024, pour mettre en lumière cette page sombre de l’histoire française, trop souvent méconnue.

Le récit entremêle deux destins de femmes. D’un côté, il y a Lucie, une femme réunionnaise victime d’une IVG forcée, doublée d’une stérilisation. De l’autre côté, on suit Marie-Anne, une lycéenne de l’Hexagone, qui assiste à la naissance du MLF et aux premiers débats autour de la loi Veil sur l’IVG.

L’histoire et les illustrations d’Anjale se combinent pour offrir une bande dessinée essentielle et percutante, rendant justice aux victimes de ce scandale et rappelant l’importance de la lutte pour l’autonomie corporelle.

Quel est le rôle de l’INFENES aujourd’hui face à l’IVG ?

Dans le parcours parfois difficile et intime des jeunes filles, notamment lorsqu’il s’agit d’une IVG, l’INFENES est une interlocutrice privilégiée, un point d’entrée essentiel dans le système de santé, et une figure de soutien confidentielle et bienveillante.

L’INFENES, un interlocuteur de confiance et de confidentialité

Pour une adolescente, l’idée de parler d’une grossesse non désirée à ses parents peut être source d’une immense angoisse. Peur du jugement, de la réaction, de la déception, ces craintes peuvent conduire au silence et à des retards de prise en charge. L’INFENES, par la garantie de la confidentialité (secret professionnel) devient un havre de paix. Elle offre un espace de parole libre et sans jugement, où la jeune fille peut exprimer ses doutes, ses peurs et ses questionnements en toute sécurité.

Orientation et information : le rôle de pivot

Une fois la confiance établie, le rôle de l’INFENES est d’informer et d’orienter. Elle est la première à pouvoir proposer un test de grossesse.

En cas de grossesse, elle explique clairement les options qui s’offrent à l’élève, de manière neutre et respectueuse du choix de la jeune fille.

En cas d’IVG, elle guide dans le dédale des démarches administratives et médicales, informe sur les délais légaux, sur les méthodes possibles, sur les lieux de prise en charge, sur l’entretien psychosocial, sur la législation en vigueur.

Accompagnement et soutien psychologique

L’INFENES apporte un soutien psychologique avant, pendant et après l’IVG.

Avant l’IVG, elle aide la jeune fille à se préparer mentalement, à gérer son stress et ses émotions.

Lors de l’IVG, elle peut, à titre privé, personnel et volontaire, être la personne de confiance choisie par la mineure.

Après l’IVG, elle s’assure du bien-être physique et psychologique de la jeune fille, répond aux questions potentielles, joue un rôle essentiel dans la prévention d’une nouvelle grossesse non désirée, en informant sur les différentes méthodes de contraception, en orientant vers des consultations spécialisées pour un suivi à long terme. Elle peut délivrer la pilule d’urgence si nécessaire

L’infirmière scolaire, un maillon essentiel de l’éducation à la sexualité

Au-delà des situations d’urgence, l’INFENES est un acteur majeur de l’éducation à la sexualité, obligatoire de la maternelle à la terminale. Son action, à travers des séances d’information et des entretiens individuels, permet de déconstruire les mythes, d’informer sur la contraception, les IST et de promouvoir une sexualité saine et responsable.

Le rôle des INFENES est donc multiple et crucial. Elles sont à la fois des professionnelles de santé, des éducatrices et des confidentes. Elles incarnent un pont entre le monde adolescent et le système de santé en offrant un accès à l’information et à des soins de qualité, dans le respect de l’autonomie et de l’intimité.

La journée mondiale du droit à l’avortement est une occasion de rappeler l’importance de cette mission.

IVG

  • Code de la santé publique : articles L2212-1 à 2212-11 et articles R 2212-1 à 2212-8-1
  • Lettre infos juridiques 128 (octobre 2008)

Contraception d’urgence

  • Code de la santé publique : articles L5134-1 à 5134-10-1


Abréviations utilisées dans cet article

INFENES : infirmière de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur

IST : infections sexuellement transmissibles

IVG : interruption volontaire de grossesse

MLF : mouvement de libération des femmes

Pour vous aidez à vous y retrouver dans les acronymes et les sigles de l’Éducation nationale, découvrez notre glossaire complet : https://amzn.to/45Yil8P

Par Brigitte Accart

Infirmière, 40 ans à l'Éducation nationale.