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L’anaphylaxie est une réaction allergique systémique grave qui engage le pronostic vital. Elle survient rapidement après l’exposition à un allergène et nécessite une prise en charge immédiate. En milieu scolaire, la gestion du risque anaphylactique est cruciale, car les élèves peuvent être exposés à de multiples déclencheurs, et sont au cœur du pic de mortalité. Le nombre de cas augmentant ces dernières années, les infirmières scolaires se retrouvent au centre de la prise en compte de cette problématique : de l’identification des signes précurseurs, à la prise en charge d’urgence, en passant par la formation du personnel éducatif.
Comprendre l’anaphylaxie
L’anaphylaxie est une hypersensibilité, dont résulte une réaction excessive du système immunitaire à une substance normalement inoffensive, appelée allergène. Lorsque l’allergène entre en contact avec l’organisme d’une personne sensibilisée, elle peut déclencher une libération massive de médiateurs inflammatoires, et provoquer des symptômes graves.
En milieu scolaire, les allergènes les plus courants sont :
- Les aliments : les arachides, fruits à coque, lait, œufs, poissons et crustacés figurent parmi les allergènes alimentaires les plus fréquents.
- Les piqûres d’insectes : les piqûres de guêpes ou d’abeilles peuvent provoquer des réactions anaphylactiques chez certaines personnes.
- Les médicaments : certains médicaments, tels que les antibiotiques ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens, peuvent entraîner des réactions allergiques sévères, bien que l’infirmière ne soit pas autorisée à les délivrer sans prescription médicale, il peut arriver que des élèves bénéficient d’un traitement antibiotique ponctuel. Le paracétamol présente un risque faible de réaction anaphylactique.
- Le latex : plus rarement, le latex peut également provoquer une anaphylaxie chez les personnes allergiques, présent dans les ballons, les gants.
Lorsque le corps détecte un allergène, il active les immunoglobulines E (IgE), qui déclenchent la libération de substances chimiques comme l’histamine. Cette cascade chimique entraîne une dilatation des vaisseaux sanguins, une baisse de la pression artérielle, une constriction des voies respiratoires et des symptômes qui peuvent évoluer rapidement vers un choc anaphylactique si la réaction n’est pas stoppée.
Deux temps sont nécessaires pour que l’allergie apparaisse :
- Une première phase de sensibilisation à l’allergène qui ne donne aucun signe clinique et passe inaperçue.
- Une deuxième phase de révélation au cours de laquelle se déclenchent les symptômes. Cette phase se répète à chaque exposition à l’allergène.
Les symptômes de l’anaphylaxie varient d’une personne à l’autre et peuvent survenir en quelques minutes après l’exposition à l’allergène, et parfois être retardés de plusieurs heures. Il est essentiel que la communauté éducative connaissent les signes d’alerte pour réagir au plus vite.
- Au niveau de la peau : urticaire, démangeaisons, rougeurs, gonflement des lèvres, du visage ou des yeux.
- Au niveau du système respiratoire : essoufflement, sifflements respiratoires, sensation d’oppression dans la gorge, difficultés à respirer ou à avaler, œdème de Quincke.
- Au niveau du système cardio-vasculaire : baisse de la pression artérielle, accélération ou ralentissement du pouls, sensation de vertige, syncope.
- Au niveau du système gastro-intestinal : nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales.
- Autres symptômes : sentiment de malaise général, anxiété, confusion, perte de conscience.
Si elle n’est pas traitée rapidement, l’anaphylaxie peut entraîner un collapsus cardio-vasculaire, un choc anaphylactique, voire un arrêt cardiaque.
Certains facteurs peuvent aggraver la réaction anaphylactique, comme :
- Un effort physique concomitant à l’exposition à l’allergène.
- La prise de certains médicaments (par exemple, les bêtabloquants).
- Un retard dans l’administration du traitement (autoinjecteur d’adrénaline).
Connaître le cadre réglementaire
La gestion du risque anaphylactique en milieu scolaire n’est pas uniquement une question infirmière. Elle concerne tous les personnels qui sont en contact avec les élèves : enseignants, vie scolaire, personnels de cantine d’entretien… Depuis 2019 les recommandations ont évolué pour répondre à l’augmentation des cas d’allergies graves, imposant aux établissements scolaires des mesures pour protéger les élèves.
La note ministérielle du 17/09/2019 prévoit que chaque établissement du second degré s’équipe d’un ou plusieurs stylos autoinjecteurs d’adrénaline. Cette obligation vise à permettre une réaction rapide face à une réaction anaphylactique, notamment lorsqu’un élève est exposé pour la première fois à un allergène et qu’il n’était pas connu comme allergique : il s’agit alors d’une réaction inaugurale.
Points clés du texte :
- Stylo autoinjecteur : tous les établissements du second degré doivent être équipés d’un ou plusieurs stylos autoinjecteurs d’adrénaline, accessibles en permanence.
- Disponibilité immédiate : le stylo doit être facilement accessible en cas d’urgence. Sa localisation doit être connue du personnel et signalée de manière visible.
- Formation du personnel : le personnel doit être formé à la reconnaissance des symptômes de l’anaphylaxie et à l’utilisation des stylos autoinjecteurs. La journée de pré-rentrée peut être l’occasion pour l’infirmière de proposer un temps de sensibilisation à tous les personnels, que le chef d’établissement pourra inscrire à l’ordre du jour.
Comment obtenir un kit de formation ?
Il est parfois difficile d’obtenir un stylo auto-injecteur de formation. Très utile pour sensibiliser les personnels, et les faire manipuler le stylo en toute sécurité, il est possible d’en fabriquer à partir d’un stylo périmé. Nous vous proposons d’accéder aux instruction détaillées pour réaliser cette manipulation. Disponible dans notre rubrique Boîte à outils.
Ces dispositions s’inscrivent dans une stratégie globale de prévention des accidents liés aux allergies en milieu scolaire, visant à assurer la sécurité des élèves et à standardiser les réponses face aux urgences allergiques.
Le courrier de la DGESCO :
Le respect de cette directive incombe à plusieurs acteurs au sein de l’établissement :
- Le chef d’établissement est directement responsable de la mise en conformité avec la législation. Cela inclut l’achat, la gestion et le renouvellement des stylos autoinjecteurs, ainsi que l’organisation de la formation du personnel.
- L’infirmière scolaire : en tant que professionnelle de santé dans l’établissement, elle a un rôle pivot. Elle doit :
- Vérifier la disponibilité des stylos, leur date de péremption, s’assurer que le matériel est fonctionnel et qu’il est stocké dans des conditions appropriées.
- Proposer une formation du personnel à la reconnaissance des signes d’anaphylaxie et à l’utilisation du stylo.
- Sensibiliser à l’organisation des urgences, et veiller à ce que les protocoles soient bien compris et appliqués par l’ensemble de la communauté éducative.
Comment se fournir en stylo autoinjecteur ?
En tant qu’infirmière diplômée d’état, vous avez la possibilité de prescrire l’adrénaline injectable.
C’est l’arrêté du 23 décembre 2013 qui le prévoit, fixant la liste des médicaments prévue au dernier alinéa de l’article R. 5132-6 du code de la santé publique que les pharmaciens délivrent sur commande à usage professionnel d’un infirmier.Nous vous proposons un modèle de prescription infirmière à télécharger gratuitement dans notre Boîte à outils, ou directement en cliquant ici.
Le financement de cet achat relève de la responsabilité du chef d’établissement.
Mettre en œuvre le PAI
Le projet d’accueil individualisé est élaboré pour chaque élève souffrant d’une pathologie chronique, notamment d’allergies. Il définit les mesures spécifiques à mettre en place pour prévenir une crise (régime alimentaire, précautions lors des sorties scolaires, etc.) et les actions à mener en cas d’urgence. Le PAI est rédigé à la demande des responsables légaux de l’élève, en concertation avec, le médecin traitant ou spécialiste, le chef d’établissement, le médecin scolaire et l’équipe éducative.
Le protocole d’urgence faisant parti d’un PAI décrit les étapes à suivre par le personnel, par exemple : alerter, administrer l’adrénaline, contacter les services d’urgence (SAMU), et surveiller l’état de l’élève jusqu’à l’arrivée des secours. Il est spécifique à chaque élève, et doit être connu de tous les adultes qui l’encadre.
Circulaire du 10/02/2021
Projet d’accueil individualisé pour raison de santé :« L’infirmière de l’Éducation nationale :
- Contribue à l’analyse des besoins particuliers et aux conditions de réalisation dans le cadre du suivi de la santé de l’enfant.
- Accompagne, en lien avec le médecin de l’éducation nationale ou de la structure ou du médecin qui suit l’enfant scolarisé dans l’enseignement agricole, la mise en place du PAI et contribue à l’éducation thérapeutique de l’élève.
- Accompagne et apporte les conseils techniques en tant que de besoin selon leurs compétences respectives soit aux chefs d’établissement, aux directeurs d’école et aux IEN, soit aux directeurs des autres structures collectives.
- Oriente en tant que de besoin vers le médecin de l’éducation nationale ou de la structure collective, les enfants qui lui paraissent avoir besoin d’un examen médical personnalisé en vue de la mise en place d’un PAI ou de son évolution.
- Participe à la mise en œuvre de la conduite à tenir en cas d’urgence en apportant l’information et la formation aux équipes éducatives. »
En plus du protocole d’urgence pour réagir en cas de crise, des aménagements sont à mettre en place pour sécuriser l’inclusion de l’élève. La prévention des risques d’exposition aux allergènes nécessite la mise en place de règles strictes et adaptées à chaque situation.
Concernant la restauration scolaire, la fabrication de menus adaptés n’est pas toujours possible. Depuis le 1er juillet 2015, l’affichage explicite de la présence d’allergènes dans les produits alimentaires servis est obligatoire.
Un panier-repas fourni par la famille peut être une solution discutée et actée dans le PAI, afin de sécuriser la prise alimentaire sur le temps scolaire.
À l’occasion des sorties scolaires, il est important de bien anticiper en amont que les risques sont bien compris par l’élève, comme les adultes accompagnants. Ils doivent être conscients qu’il ne faut pas partager les aliments avec des camarades, et ils doivent emporter la trousse d’urgence le cas échéant.
En fonction du type d’allergie, il faut prendre en compte les risques liés aux piqûres d’insectes ou à la présence d’allergènes dans l’environnement lors des activités en extérieur.
Une approche proactive, fondée sur la collaboration entre l’infirmière scolaire, les familles et le personnel éducatif, permet non seulement de réduire le risque d’exposition aux allergènes, mais aussi de garantir une réponse rapide et efficace en cas d’urgence. La vigilance et l’anticipation sont les maîtres mots pour assurer la sécurité des élèves au quotidien.
Pour aller plus loin :
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/allergie/comprendre-allergies
Préparation au recrutement : un exemple de question posée sur cette thématique, comme sujet écrit au concours de recrutement
Vous êtes infirmière en lycée et le jour des inscriptions, un élève demi-pensionnaire vient vous rencontrer.
Il développe des allergies alimentaires et ne peut prendre son repas à la demi-pension.
De plus, il a un traitement à prendre en cas de crise.
Quelles sont les principales allergies cliniques alimentaires ?
Comment allez-vous organiser la prise en charge de la pathologie de cet élève au sein de l’établissement ?
Concours 2008, Académie de Créteil