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Comment apprécier le travail en binôme

Dans certaines situations, plusieurs infirmières scolaires peuvent être amenées à travailler ensemble au sein d’une même infirmerie : cité scolaire (collège et lycée jumeaux), collège en réseau d’éducation prioritaire (REP) ou encore pour des besoins de complément de temps partiels. La cohabitation à deux, parfois trois collègues, dans une même infirmerie, présente des enjeux de collaboration bien particuliers. Quels sont les avantages liés à cette organisation de service ? Quels sont les potentiels risques ?

Des appuis et des avantages

La présence de deux infirmières peut favoriser une meilleure organisation des tâches quotidiennes à l’infirmerie. La gestion administrative, souvent chronophage, et le suivi infirmier des élèves peuvent être répartis de manière équilibrée, évitant la surcharge d’une seule personne. Cependant, lorsqu’un moyen supplémentaire est alloué sur un établissement, il s’agit toujours de venir répondre à une charge de travail conséquente.

Les parcours variés des deux infirmières apportent une richesse à la prise en charge des élèves. Chaque professionnelle peut avoir des compétences propres qui enrichissent l’accueil et les consultations. Que ce soit dans la gestion de pathologies spécifiques, la prévention sur thèmes particuliers, ou l’accompagnement psychologique. Ensemble, elles peuvent multiplier la qualité et la diversité des interventions, offrant aux élèves une approche complète et holistique de la santé scolaire.

Partager la charge de travail allège le poids mental qui repose souvent sur une seule infirmière dans un établissement. Il est également possible de demander un deuxième avis sur une situation de santé délicate : une plaie problématique qui nécessite un soin urgent ou non, des inquiétudes difficiles à analyser seule… Le partage entre infirmière devient une démarche sécurisante qui diminue le risque d’erreur.

Lorsqu’une relation de soignant/soigné se met en place, les enjeux touchent aux aspects humains de notre personnalité. La prise de recul est nécessaire pour comprendre ces enjeux, et rester dans le cadre du soin. Grâce à la présence d’une autre soignante, il est peut être utile d’échanger sur les difficultés que rencontre l’élève, et le positionnement professionnel à adopter pour l’aider au mieux. Ces regards croisés favorisent une meilleure concentration et un sentiment de soutien, essentiels dans des métiers exigeants émotionnellement.

Un autre facteur de risques qui se voit réduit quand un binôme infirmier est affecté en EPLE : le risque d’isolement. La singularité de la place de l’infirmière au sein de l’équipe éducative est importante. Seule professionnelle de santé à proprement parler, il est souvent compliqué de partager complètement un cadre de référence commun avec d’autres personnels. Sans juger de leurs qualités humaines, la grille de lecture du soignant est un peu différente de celle des autres corps de métiers. Cela peut conduire à des situations d’incompréhension, voire d’isolement de l’infirmière dans l’établissement. Le soutien mutuel que peuvent s’apporter des collègues qui partagent la même affectation, est alors précieux.

En répartissant leurs horaires de présence, il peut être demandé aux deux infirmières d’organiser un accueil élargi tout au long de la semaine. Dans certaines situations, cela peut aussi permettre de pouvoir plus facilement s’absenter de l’infirmerie pour des motifs professionnels. Il sera plus facile d’argumenter la participation à une formation par exemple, sans nécessairement fermer l’infirmerie grâce à la seconde présente. Un argument souvent opposé par les supérieurs hiérarchiques, dans des établissements qui peuvent se retrouver sous pression. Même si cela peut permettre une prise en charge plus réactive et accessible pour les élèves, il ne faut pas perdre de vue que l’infirmerie n’a pas vocation à devenir un service de soins permanents. Le protocole des soins et des urgences s’applique en cas d’absence de l’infirmière dans tous les établissements.

Des risques et des inconvénients

Si la coordination entre les deux infirmières n’est pas bien établie, des problèmes de désorganisation peuvent rapidement surgir. Chaque infirmière ayant son propre mode de fonctionnement, il peut y avoir des divergences dans la gestion des situations, ou des interventions qui manquent de cohérence. Notamment si une marche à suivre commune n’est pas un minimum clarifiée dès le départ.

Une mauvaise transmission des informations entre infirmières peut entraîner des erreurs dans le suivi des dossiers des élèves. Un élève pris en charge par l’une des infirmières un jour, peut ne pas bénéficier du même suivi le lendemain si les informations n’ont pas été partagées. La communication devient alors un enjeu crucial pour garantir la continuité des soins. Contrairement au logiciel infirmier précédemment employé à l’Éducation nationale, l’application LIEN permet désormais de tracer les actions de soins entreprises, et les rend visibles à toutes les infirmières qui prennent en charge l’élève concerné.

Comme dans toute relation professionnelle, des désaccords peuvent survenir. Divergences d’opinions sur la manière de gérer une situation, implication émotionnelle importante, ou mélange des vies personnelle et professionnelle peuvent créer des tensions qui risquent de nuire à l’efficacité et à la qualité du travail. De plus, les risques du travail en équipe non soignante, peuvent induire aussi une forme de compétition entre les collègues. Les relations avec les autre professionnels de l’établissement ne doivent pas conduire à glisser vers une forme de rivalité entre infirmières. Une résolution proactive et bienveillante des conflits est donc indispensable pour maintenir un bon climat de travail.

Des solutions et des outils

Pour éviter les risques de désorganisation et de confusion, il est essentiel d’établir des règles de fonctionnement. Dès le début de l’année scolaire, en concertation avec le chef d’établissement, il faut définir les rôles et les tâches de chacune, afin de garantir un fonctionnement fluide et serein.

Des réunions régulières entre les deux infirmières sont nécessaires pour maintenir un bon niveau de communication. Ces points réguliers doivent permettent de s’assurer que toutes les informations sont partagées et que les interventions restent cohérentes. Il est également important de veiller à ce que l’équipe éducative sache comment solliciter les deux infirmières de manière appropriée, sans créer de déséquilibres dans la charge de travail, ni de clivage au sein du binôme.

Pour garantir une collaboration fluide, certains outils peuvent s’avérer essentiels. Le logiciel LIEN, base officielle pour enregistrer les actions infirmières, est indispensable pour un suivi précis des élèves. Un planning partagé en ligne peut aussi grandement faciliter l’organisation des interventions et des éventuelles permanences. De nombreux outils numériques de travail en équipe sont disponibles sur les sites intranets des rectorats. Ceux proposés par l’administration ont l’avantage de garantir le respect de la législation sur la protection des données.

Un cahier de transmissions entre les deux infirmières s’impose comme un outil précieux pour harmoniser les tâches quotidiennes, éviter les erreurs et s’assurer que chaque élève bénéficie d’un suivi cohérent. Les transmissions sont des notes écrites qui permettent de partager des informations professionnelles pertinentes.
Elles permettent de coordonner les actions, en complément de celles inscrites dans LIEN, consultables par chaque infirmière. Par exemple : des élèves à revoir, l’organisation d’actions santé, des commandes, les réunions, les documents administratifs transmis, les modifications d’emploi du temps, les PAI en cours de réalisation…

Nous avons conçu et édité un cahier de transmissions entre infirmières scolaires, précisément pour vous aider à noter et partager toutes les informations importantes. Il garantit une continuité optimale dans la transmission des informations, et évite les oublis. Vous pouvez le découvrir et l’adopter dans votre pratique quotidienne en cliquant ici.

La collaboration entre deux infirmières dans une même infirmerie offre de nombreux avantages, notamment en termes de polyvalence, de partage des responsabilités et de disponibilité accrue pour les élèves. Cependant, elle exige une organisation rigoureuse et une communication irréprochable pour éviter les risques de désorganisation ou de dilution des rôles.

Par Alexandre Faure-Maury

Infirmier de l'Éducation nationale depuis plus de 10 ans, sur divers types de postes et aujourd'hui en inter-degrés.